lundi 14 septembre 2009

Hortefeux, Besson, à qui le tour ?


A Seignosse, entre Brice Hortefeux qui y va de sa petite phrase lapidaire et néanmoins sujette à moultes interprétations et Eric Besson qui fait un doigt en cachette mais quand même bel et bien filmé sur le vif, que de "décontraction" (comme dit Sarkozy...). En tout cas, ça amuse la galerie : les partisans mal à l'aise veulent rester sur le registre de l'humour, les détracteurs boivent du petit lait et crient au racisme pour l'un et à la vulgarité pour l'autre voire les deux, bref ça fait hurler dans les chaumières. Et on attend même avec impatience maintenant le prochain ponte de l'UMP qui aura été pris la main dans le sac.

Tout cela n'est pas reluisant, et en même temps, toute la polémique autour n'est franchement pas sérieuse.

Le cas Eric Besson est assez simple: son geste est moche, c'est sûr. Mais ça ne devrait pas aller plus loin, parce que finalement, ce mouvement digital dénué d'ambigüité et que son auteur lui-même voulait cacher aux yeux du monde est moins exploitable que la petite phrase d'Hortefeux, et surtout moins porteur d'ignominie potentielle. Il dessert simplement son auteur, qui aurait très bien pu s'en dispenser, et qu'on peut sans nul doute taxer d'avoir accompli un geste vulgaire, point barre. Jusqu'à nouvel ordre moral, on ne juge pas la valeur d'un homme dans la société sur un doigt, mais sur sa contribution par ses actes, qu'on les applaudisse ou qu'on les combatte.

Le cas Brice Hortefeux paraît plus complexe. Il y a une petite phrase lapidaire, et... ? et chacun y voit midi à sa porte!

Depuis la diffusion de la vidéo qui a déchainé les passions, il y a eu ceux qui la prétendent trafiquée, ceux qui l'attribuent à des amateurs, d'autres à des journalistes professionnels, ceux qui dénoncent la phrase sortie de son contexte, ceux qui y voient l'expression d'un racisme fanatique, d'autres d'un racisme ordinaire, d'autres encore de l'humour, ceux qui nient que de tels propos aient été prononcés, ceux qui parlent d'arabes, d'autres d'auvergnats, d'autres encore de clichés, ceux qui ont raison, ceux qui ont tort, et j'en passe et des meilleurs.

La boite de Pandore est ouverte et elle porte l'étiquette "Brice Hortefeux" :)

Comme toujours, la voix de la raison n'est pas celle qu'on entend le plus fort.

Il y a plusieurs certitudes: la phrase a été prononcée, on connaît parfaitement son contexte, et la vidéo, prise par des journalistes professionnels malgré sa piètre qualité (gens de dos, son faible voire inaudible, etc.), est digne de confiance.

Mais il y a une grosse incertitude: le sens de la phrase litigieuse. Oui, j'insiste, le sens n'est pas limpide pour moi.

J'ai vu et revu la vidéo, et passé en boucle certains passages pour mieux déceler ce qu'on y disait parce qu'on ne les distinguait pas assez bien, et bien n'en déplaise aux partisans et aux détracteurs (parce qu'eux, ils n'ont bien évidemment aucun doute), ce n'est pas clair du tout, je n'ai pas réussi à me faire une idée et je doute toujours sur ce qu'a voulu dire Brice Hortefeux.

Tantôt je pense qu'Hortefeux rebondit sur "c'est notre petit arabe" (que je n'avais pourtant pas entendu la première fois, et je ne suis pas le seul), tantôt je pense qu'il parle des prototypes ; dans ce cas, tantôt les prototypes sont arabes, tantôt ils sont auvergnats. Tout cela évolue au fil de mes tentatives d'analyse, vaines, et de celles des autres. Je ne sais pas. Ce que j'entend parfois très clairement et parfois très faiblement dans la vidéo, n'est pas forcément ce que Brice Hortefeux a entendu, lui!

On sait tous très bien - mais si, vous le savez!! - que, dans le feu nourri d'un échange multilatéral - surtout quand on s'envoit des vannes à droite et à gauche -, sa propre attention peut être portée sur un propos donné alors que celle de son voisin peut au contraire être portée sur un autre propos concomittant. A tel point que pour accorder ses violons, il faut répéter et répéter encore pour se faire entendre et comprendre.
Et Brice Hortefeux, qu'a-t-il entendu, lui ? Est-ce qu'il est resté sur son prototype auvergnat, ou parlait-il vraiment de "notre petit arabe" ? Il y a doute, et dans le doute, je m'abstiens!

Quoiqu'il en soit et qu'on en pense, il a nié, et nie toujours, farouchement toute pensée et intention raciste, et Amine qui était pourtant l'objet de cette phrase a nié, et nie toujours, farouchement être la victime d'une réflexion raciste. Au contraire, Brice Hortefeux a plaidé non coupable maintes fois et rappelé sans arrêt sa détermination à lutter contre toutes les formes de discriminations.

Faut-il être plus royaliste que le roi et leur intenter un procès d'intention ? Faut-il par définition remettre en cause la parole d'un ministre parce qu'il est forcément raciste et coupable de porter les couleurs de l'UMP et d'un militant parce qu'il est sot et coupable de soutenir son ministre ? Ce faisant, on attaque les personnes elles-mêmes au lieu de s'attaquer à leurs actions, puisqu'on affuble le ministre Brice d'une personnalité odieusement cynique et ignominieusement raciste, et le militant Amine d'une personnalité de lope sans âme ni conscience ni dignité.

La LICRA qui n'a pas tardé à s'offusquer de l'affaire comme tout le monde, a voulu en avoir le coeur net et a rencontré Brice Hortefeux. Et je ferai mienne sa conclusion: "la LICRA ne participera pas à la polémique politico-médiatique qui détourne l’attention des personnes en souffrance dans la société française. La LICRA restera vigilante comme à son habitude et considère cette affaire comme close pour elle".

http://www.licra.org/lactualite/communiques-de-presse/1694-polemique-hortefeux-pour-la-licra-laffaire-est-close

Là je dis "Bravo et bravissimo", enfin une réaction saine et sage au milieu d'un tumulte indescriptible et profondément malsain, en plus en provenance d'une association qui n'est pas la plus mal placée pour émettre un jugement sur ce dossier.

De toute façon, l'affaire a été portée devant la justice par au-moins une autre association (d'ailleurs, il y a eu très peu de plaintes, à ma connaissance une et une seule... comment expliquer cela alors que les détracteurs sont si convaincus d'avoir entendu parler un raciste ? les insultes racistes sont pourtant illégales!). Nous verrons bien ce que ces plaintes donneront.

Pour l'heure, ce que je retiens, c'est que de plus en plus, la critique dévie de l'action à la personne. Dénoncer l'action aujourd'hui ne suffit plus, il faut écraser la personne. La critique constructive des actions devient polémique personnelle stérile et tout cela est malsain!

Est-ce qu'on peut revenir sur plus de mesure et de nuance ? Je ne dis pas de baisser les bras sur une politique qui ne plait pas. Mais on peut le faire sans dénigrer et s'acharner sur les femmes et les hommes qui la mènent.

Il y a une technique de négociation qui s'appelle SOP-HOP: "Soft On People, Hard On Point", doux envers les personnes, durs envers les points de la négo.

Oui, un peu de douceur dans un monde de brutes... siouplait.

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