Depuis le discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble vendredi dernier, beaucoup d'encre a coulé sur tout et n'importe quoi.
Bien entendu, l'opposition est parfaitement dans son rôle de critiquer ce discours, voire de dénoncer une "dérive à droite" ; beaucoup moins fondée de taxer le discours "d'antirépublicain", et pas du tout de l'assimiler sans vergogne à un discours du FN.
Mais comme l'a dit à juste titre Robert Badinter il y a quelques jours, il est inutile de commenter les commentaires. Ca fait du bien à la liberté d'expression, mais ça n'avance à rien du point de vue de la démocratie.
J'attends donc de voir sur pièces avant de juger le contenu de la politique (républicaine ou pas ?) de l'UMP ; "sur pièces", c'est-à-dire en fonction des textes qui sortiront effectivement de ce brouhaha.
En revanche, je voudrais m'exprimer sur deux points du discours et mettre en garde l'UMP à leur sujet.
D'abord, sur l'idée que notre système d'intégration depuis 50 ans (comme s'il n'y en avait eu qu'un en un demi siècle) a conduit à un échec de l'intégration.
Je pense que Sarkozy se trompe sur ce point précis. Il y a eu des hauts et des bas en 50 ans, comme partout: des avancées et des reculs, ou l'inverse selon les points de vue et les politiques menées ;)
Mais pour juger d'un système et d'une politique, encore une fois, il faut en voir le résultat.
Or, selon moi, le résultat est bon: au fil du temps, la France s'est extraordinairement enrichie de toutes les individualités venues ou issues d'ailleurs et parfaitement bien installées dans notre pays. Aujourd'hui, qu'elles soient françaises ou qu'elles ne le soient pas encore, les personnes d'origine étrangère établies en France ont toute leur place dans notre société et ont plutôt réussi à "faire leur nid", dans le respect des droits et obligations de notre République.
Et je trouve ça génial.
Alors je ne comprends pas pourquoi on dit le contraire, et je suis inquiet qu'on le dise.
Première mise en garde:
Quelle intégration recherche-t-on à l'UMP ? Une intégration par l'exclusion ?
Si on commence à remettre en cause l'intégration, c'est qu'on lui reproche quelque chose: pas assez de franchouillardisation ? trop de culture étrangère rémanente ? trop de chômage ? trop de délinquance ? Il y a quelque chose qui cloche, parce que de toute façon, on n'a pas les statistiques de chômage ni de délinquance selon l'origine, c'est interdit en France et c'est très bien comme ça. Et nous sortir les chiffres du chômage ou de la délinquance des seuls étrangers non communautaires n'a pas de sens: l'intégration concerne effectivement ces étrangers, mais elle va aussi bien au-delà.
Pour ma part, et j'espère pour bon nombre de mes concitoyens, l'intégration n'implique aucune renonciation à ses origines, ses racines, sa culture, sa philosophie, sa religion, son mode de pensée, etc. Au contraire! leurs différences, avec les nôtres, font notre richesse à tous ensemble dans un respect mutuel. Alors si une personne immigrée ou descendante d'étrangers, avec tout son bagage, respecte l'ensemble des règles de notre République, qui garantissent notamment l'égalité de tous et le respect d'autrui, son intégration est pour moi parfaite. Point barre.
Je crois que c'est le cas de l'immense majorité des immigrés et descendants d'étrangers, français ou pas.
Ensuite, sur la déchéance de la nationalité.
Pour Sarkozy, "toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou de tout autre dépositaire de l'autorité publique" doit être déchue de la nationalité française. Pour d'autres de l'UMP, il faut élargir cette mesure à d'autres infractions graves de droit commun.
Mais de quoi parle-t-on ? Difficile à dire aujourd'hui, faute d'éléments suffisants. La formulation est trop large "toute personne d'origine étrangère", ça ne veut rien dire! (Ou alors c'est tellement large que ça en est inadmissible...)
Je veux rappeler d'abord le principe fondamental qui figure à l'article Premier de notre Constitution: la France "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion".
C'est on ne peut plus clair.
Quand on est français, on est français, et votre origine à cet égard est totalement indifférente et doit absolument le rester.
Je veux aussi rappeler que, d'après le code civil, on "est" français de plein droit (par exemple à la naissance, mais aussi à 18 ans pour les enfants nés en France de parents étrangers) ou on "devient" français après sa naissance (via la naissance, l'adoption, le mariage, la possession d'état, le décret de naturalisation, etc.).
Attention, et c'est un piège, cela ne veut pas dire qu'il y a 2 niveaux de français: un premier niveau de "français de plein droit" (qu'ils soient français de souche ou d'origine étrangère via un ou des parents, grand-parents, arrière-grand-parents, etc.), et un deuxième niveau de "français agréé". Non!
Tous les français sans exception jouissent de tous les droits et sont tenus à toutes les obligations attachés à la qualité de français. Il faut le marteler encore et encore pour qu'il n'y ait pas de mégarde.
A la lecture de ce blog, vous devez commencer un peu à me connaître: la responsabilité individuelle est pour moi essentielle. Ce que l'on fait, on doit l'assumer et en prendre la responsabilité personnelle. Ses propres réussites ? Assumées! Ses propres échecs ? Assumés! Ses propres décisions ? Assumées!
Or, lorsqu'on est étranger, lorsqu'on respecte les conditions requises, on peut prendre la décision de demander la nationalité française, par exemple par une déclaration.
Et bien dans ce cas précis et à condition que la déclaration soit faite après l'âge de 18 ans (donc par un majeur), on peut envisager que celle-ci soit accompagnée d'un engagement personnel de ne pas commettre une infraction (même de droit commun) d'une gravité particulière (par exemple, une condamnation à un emprisonnement de plus de 5 ans) pendant tel délai (par exemple 5 ans) à peine de déchéance de la nationalité. Le cas échéant, cette sanction serait alors prononcée sur le fondement seul du non respect de l'engagement, et non sur l'origine étrangère. Difficile d'élargir cet engagement à des infractions moins graves, tellement les conséquences de la perte de la nationalité sont graves (reconduite à la frontière, véritable double peine...) ; la sanction ne serait alors pas du tout juste ni adaptée.
Dans tous les autres cas (hormis bien sûr les cas déjà existants, tels que l'atteinte aux intérêts de l'Etat, le terrorisme, etc.), il me semble inconcevable qu'on puisse déchoir de la nationalité. Que celle-ci soit de plein droit, ou acquise avant la majorité de l'intéressé (celui étant mineur ne peut alors pas prendre l'engagement cité plus haut), la retirer sous prétexte d'une infraction de droit commun ET d'une origine étrangère violerait purement et simplement le principe fondamental d'égalité devant la loi.
En gros, cette analyse vide très vite la substance du projet de déchéance, et on voit bien que l'objectif annoncé du Président de la République est très loin de la réalité juridique.
D'où ma deuxième mise en garde:
L'UMP va-t-elle remettre en cause le principe d'égalité ? et ainsi créer pour le coup 2 niveaux de français ?
Les réponses attendues à ces mises en garde sont importantes pour moi, et j'y verrai plus clair "sur pièces", comme je le disais.
S'il s'avère que les textes remettent en cause les principes républicains, qui font que je suis fier d'être français, 2012 sera une année décisive... Et qu'on ne s'y trompe pas, l'abstention n'est pas une alternative en ce qui me concerne.
Je VOTERAI pour un candidat REPUBLICAIN (et pro-européen), qu'il soit libéral (ma préférence), centriste ou socialiste.