mercredi 13 janvier 2010

De la numérisation des livres, ou quand la noosphère prend corps

Selon Teilhard de Chardin, c'est dans la noosphère que le fruit intellectuel et culturel du génie humain (les idées, les pensées, les consciences, les inventions, les découvertes, etc.) prendrait forme et vivrait à chaque instant.

A sa suite, on a pû considérer que l'homme, au fil de temps, tissait la réalité de la noosphère et lui donnait ainsi une existence concrète mais parcellaire et en sens unique.

Par exemple, en supposant que tout ce qui a été pensé a été imprimé, l'ensemble des livres édités sur Terre pourrait former un corps réel de la noosphère, mais un corps "rigide" figé dans le temps. La noosphère engloberait tout et évoluerait à tout instant, alors qu'un livre, entre deux éditions, ne serait qu'une fenêtre immuable ouverte sur une partie infime de la noosphère à un instant donné.

Avec internet, on pourrait considérer qu'une nouvelle fenêtre s'ouvre sur la noosphère, "dans les nuages" (par référence au cloud computing). Mais une fenêtre dynamique par laquelle on pourrait à terme entrevoir l'ensemble de la noosphère et interagir avec elle.

C'est vrai qu'on trouve déjà beaucoup de choses sur internet, qui évolue à tout instant. C'est un euphémisme.

Le volume des données stockées sur les serveurs publics, que ce soit pour le "world wide web" ou pour d'autres applications d'internet ouvertes au public, ne se compte pas en gigaoctets, chiffre qu'on appréhende à peu près facilement, mais certainement en dizaines (ou centaines ? ou plus ?) de petaoctets (1Po représente 1 million de Go ou presque 20.000 disques Blu-ray double couche).

Le seul web public (environ 210 millions de sites en janvier 2010, source Netcraft) comporte plusieurs petaoctets de données (une dizaine ?) et ne cesse de s'agrandir et de se contorsionner à vitesse grand V.

Ne parlons même pas du web privé (sites privés, intranets, etc.) dont on estime qu'il représente 99% du web total!

Et le web lui-même n'est qu'une petite partie de l'internet global... Au final, tout l'internet devrait se mesurer en yottaoctets (la NSA elle-seule, le service central de sécurité des Etats-Unis, manipule près d'un Yo de données!).

Quand on sait que 20.000 milliards de disques Blu-ray double couche ne sont pas de trop pour stocker 1 Yo, vous avez encore toute votre tête ? Pas trop le vertige ?

De toute façon, on n'est même pas sûr des chiffres avancés: ils varient selon les méthodes utilisées. Alors disons simplement qu'internet est une bibliothèque dynamique, omniprésente et colossale.

Et malgré sa taille incommensurable et son développement ultra-rapide, cette bibliothèque n'est pas omnisciente. Elle est encore loin de refléter la totalité de la noosphère.

Parce que tout n'y est pas encore! Il manque beaucoup de choses et, notamment, la très grande majorité - pour ne pas dire la quasi-totalité - des ouvrages imprimés sur Terre depuis l'invention de Gutenberg.

Pour combien de temps ? Et chacun y trouvera-t-il vraiment son compte ?

Google a numérisé presque 10 millions d'ouvrages dans le cadre d'accords d'exclusivité (parfois pour 25 ans) avec de nombreuses bibliothèques, mais récemment a renoncé à scanner les livres "non anglo-saxons" face à la levée de boucliers des éditeurs et des Etats européens.

Microsoft, Yahoo, Amazon et d'autres numérisent aussi à tour de bras au sein de l'Open Book Alliance et tentent de contrer Google dans ses velléités d'hégémonie.

Et la France dans tout ça ? Et l'Union Européenne ? Parce qu'il n'y a pas que des livres anglophones...

Alors qu'outre-atlantique, le combat oppose des entreprises privées, en France et en Europe, c'est au niveau des Etats que ça se passe.

Le tout récent rapport Tessier fait état de 145.000 livres numérisés par la BNF (seulement!), et préconise une accélération très rapide de la numérisation sur des bases libres, en tout cas sans exclusivité au profit de tel ou tel acteur.

Dans l'Union Européenne, on en est encore à envisager des normes et une législation en matière de numérisation pour éviter le monopole.

On le voit, tout le monde n'est pas au même niveau, alors que l'enjeu des prochaines années sera l'intégration numérique du patrimoine intellectuel et culturel mondial sur internet et surtout la définition des conditions d'accès de chacun à ce trésor dématérialisé.

De même que l'imprimerie a provoqué la révolution culturelle que l'on connaît par la diffusion de masse des écrits, internet conduit en ce moment à une révolution comparable dans sa nature mais d'une ampleur bien plus vaste.

Pour dire les choses simplement, cette révolution numérique dont nous n'avons vu que les balbutiements ouvre une nouvelle ère de l'humanité, celle de la noosphère incarnée.

Et la suite du programme, une fois la numérisation des livres achevée (ou en même temps) ? La numérisation en temps réel des pensées et des consciences.

Les archéologues du futur verront certainement dans nos avatars et en Twitter, ce que nos archéologues voient dans les ossements et les vestiges de huttes des hommes pré-historiques.

"L'avatarisation" de l'homme sur internet est en marche :D

mercredi 6 janvier 2010

Les 10 applications que j'utilise le plus

Dans un monde mobile, je vais parler d'une part d'applications nomades, celles que j'utilise partout où je suis avec mon iPhone (connecté au réseau ou pas), mais aussi, d'autre part, d'applications web, que je peux retrouver sur tout ordinateur connecté à l'internet.

Il n'y a aucun classement dans ma liste, ne voyez donc aucune hiérarchie préférentielle ou autre.

Gmail

Mes emails sont sur Gmail. Et pourtant mon adresse Gmail est peu connue de mes contacts. Je communique en effet une adresse unique (composée de mon prénom et de mon patronyme tout simplement) à l'ensemble de mes interlocuteurs. Cette adresse redirige les courriers sur Gmail. Je profite ainsi du formidable antivirus et du gigantesque espace de stockage offerts par Google. Le webmail est fiable, aucune perte de données depuis mon inscription (plusieurs années auparavant) et quelques rares interruptions de services seulement.

Je lis, écris, archive et recherche mes courriers principalement sur l'application Mail de l'iPhone. L'application Notifications me signale leur arrivée instantanément par push. Parfois, à distance d'un ordinateur, j'utilise Gmail via Safari, surtout pour rechercher un email déjà archivé.

Plus rarement, j'ouvre Gmail sur le web via un navigateur de PC ou de Mac. Le confort de lecture par "conversations" est indéniable, mais c'est finalement moins rapide que de brandir son iPhone toujours à portée de main...

Google Calendar

Mon agenda personnel s'y trouve. J'y range tous les évènements qui me concernent seul et personne d'autre. Autrement dit, il n'est pas partagé. J'y trouve aussi tous mes rendez-vous professionnels. Ceux-ci sont automatiquement synchronisés du serveur Exchange de mon employeur vers Google Calendar (et vice-versa) via Goosync installé sur mon smartphone professionnel.

Google Calendar héberge aussi d'autres agendas:

- un agenda familial, partagé avec ma moitié (et peut-être aussi "bientôt" avec mes enfants ?! ;)
- un agenda d'anniversaires, aussi partagé avec ma moitié
- un agenda de dates stratégiques pour le renouvellement d'abonnements (par exemple de noms de domaine ou de contrats en ligne), non partagé.

Les flux des agendas partagés sont distillés sur mon compte Google Reader et celui de ma moitié, de sorte que les nouvelles entrées de l'un sont notifiées à l'autre automatiquement.

Tous mes agendas sont synchronisés en push sur l'iPhone (vive la coopération Google / MS Exchange!).

C'est d'ailleurs sur l'iPhone que je consulte mes agendas le plus souvent.

En revanche, je crée mes évènements presqu'exclusivement sur le web. Bizarre, non ? Faut croire que l'iPhone n'est pas parfait en tout...

Google Contacts

Mes contacts sont tous sur le web et sur l'iPhone en synchronisation push.

Pratique et sûr, ils sont à portée de main, immédiatement et partout ; et je ne peux les perdre que si Google faillit à sa tâche (faible probabilité, donc ;). J'utilise autant que possible les champs "anniversaire" et "remarque" (pour enregistrer des données personnelles qui ne figurent pas dans d'autres champs). Les dates anniversaires sont aussi "en doublon" sur l'agenda Anniversaires, d'une part pour les partager avec ma moitié, mais aussi pour n'oublier aucun anniversaire quand je consulte l'agenda...

Google Reader

Mes flux RSS sont uniquement sur Google Reader. L'avantage est le suivant: puisque je lis surtout mes "news" sur l'iPhone, je suis certain de ne pas lire une deuxième fois les mêmes sur le web quand j'y vais (et vice-versa).

Et puis je suis fan de la lecture par scroll en texte complet sur un PC ou Mac. On défile, on défile et au fur et à mesure du défilement, les articles sont automatiquement marqués comme lus. On ne peut pas faire plus simple et pratique, impossible!

Quant au classement "intelligent" des articles par Google, je ne suis pas déçu. Ca marche relativement bien et je ne sais pas trop comment, mais qu'importe du moment que les articles de fond se retrouve presque toujours en haut, et que les autres sont en dernier (par exemple la dernière review d'un NAS dernier cri qu'il est beau et qu'il faut acheter absolument).

Google Documents

C'est sur Google Documents que j'écris cet article et d'autres. Si j'interromps l'écriture, je peux la reprendre ensuite sur n'importe quel ordinateur. Et même sur l'iPhone puisque l'application Doc² (de Byte²), qui est un traitement de texte rapide et efficace, synchronise les documents de Google Documents.

J'y gère aussi mon budget mensuel et annuel (aussi en synchro avec Sheet² du même éditeur que Doc²).

Momo

C'est quoi ça ? c'est un gestionnaire de notes sur iPhone et sur le web (momolog.com). Les notes créées sur l'iPhone (connecté ou pas) sont automatiquement synchronisées avec la webapp (donc sauvergardées) dès que l'iPhone est connecté à l'internet (edge, 3G ou wifi), et vice-versa.

En fait, Momo est plus qu'un simple gestionnaire de notes. Il fait aussi office de journal puisque les notes peuvent êtres classées chronologiquement, et qu'un calendrier permet de naviguer parmi vos notes dans le temps.

A chaque note peut être adjointe une photo, et/ou un ou plusieurs tags. Les tags permettent ensuite de filtrer les recherches.

L'application Momo gère sur l'iPhone les "tags favoris" et les "smart lists", c'est à dire des listes de recherches automatiques selon un ou plusieurs critères (tags, dates, contenu de note, etc.)

Mais la grande force de Momo sur iPhone, c'est d'une part sa très grande rapidité (même avec un nombre important de notes), et sa fonction de recherche instantanée avec ou sans signe diacritique (accents, cédilles, etc.).

Ainsi, une recherche sur "garcon aine" trouvera "garçon aîné".

Application sans bavure.

Toodledo

C'est un gestionnaire de tâches (toodledo.com), initialement sur le web. Mais l'éditeur a très vite compris le bénéfice de l'ouverture de son API sur d'autres applications. C'est ainsi que Todo (de Appigo) sur l'iPhone en a profité.

J'utilise uniquement Todo pour la création, la consultation et la recherche des tâches. L'application respecte les principes du GTD (Get Things Done), est dotée d'une interface très ergonomique, et surtout envoit les tâches ayant une échéance date/heure en push sur l'iPhone.

Twitter

Ce réseau est bien connu en France, surtout depuis l'an dernier où il a connu une véritable explosion de fréquentation.

Je "tweet" régulièrement (@aymericmarlange), mais pratiquement jamais du site web de Twitter. Encore une fois, comme pour les notes ou les tâches, c'est l'iPhone qui remporte la palme "d'utilisabilité" avec ses nombreux clients Twitter: le mien, c'est Tweetie 2.

Le client offre tellement de fonctionnalités qui font défaut sur twitter.com que le choix est presque obligatoire (en tout cas pour moi).

Sugarsync

J'utilise plusieurs PC et Mac qui tous comportent les mêmes documents grâce à Sugarsync. La puissance et la souplesse de synchronisation de ce service est telle que non seulement mes données sont sauvegardées "dans les nuages", mais qu'elles sont aussi accessibles sur le net et sur l'iPhone puisque Sugarsync a développé une application native, et en outre que certaines d'entre elles sont synchronisées sur mes ordinateurs donc présentes physiquement sur chaque disque dur.

J'ai essayé entretemps Dropbox, mais je n'ai pas retrouvé la souplesse de Sugarsync. Par exemple, mes photos sont simplement sauvegardées sur Sugarsync, alors que les documents sont aussi synchronisés entre ordinateurs. Dropbox ne permet pas une telle possibilité (en tout cas ne le permettait pas au moment du test en 2009).

iTunes

Pour moi, iTunes est le centre de mes activités multimédia. Le contenu d'iTunes (musiques, vidéos, films, séries, photos, podcasts, etc.) est centralisé sur le Mac (et sauvegardé sur Time Capsule et en partie sur Sugarsync), puis synchronisé en totalité sur l'Apple TV et partiellement sur l'iPhone. Je peux donc écouter et/ou voir mes contenus multimédias où je veux et quand je veux. A la maison sur la télé ou la hi-fi (même si le Mac est éteint grâce à l'Apple TV) et en déplacement sur l'iPhone voire le Mac quand je l'emporte. Et le must, c'est quand même l'application Remote qui transforme l'iPhone en télécommande pour flux audio ou vidéo!

Vous l'aurez compris, en conclusion, les applications que j'utilise le plus (à l'exception notable d'iTunes) sont architecturées sur internet en tant que support et base de données, et accessibles via des clients iPhone, PC ou Mac, pleinement fonctionnels hors connexion mais synchronisés dès que possible "dans les nuages".

Et vous, conseillez-vous d'autres applications ?

samedi 2 janvier 2010

Ne tuons pas les soldes

Je lis un courrier de lecteur du Monde dans le Monde du 2 janvier qui me fait hérisser le poil.

Selon son auteur, il faudrait tuer les soldes parce qu'ils "génèrent du stress pour les consommateurs et les vendeurs, ils polluent et détruisent de la valeur pour les fabricants et les commercants".

D'abord c'est faux. Je crois que ce lecteur n'a jamais vécu l'excitation de se pointer à l'affut à 7h du mat' devant les grilles des Galeries Lafayette pour se ruer sans crier gare dès l'ouverture sur les affaires du siècle au péril de sa vie et sans scrupule sur celle des autres.

Bon d'accord, moi non plus. Mais ça n'empêche. Ce n'est pas du stress, mais de la passion, celle de la chasse (enfin j'imagine).

Quant aux fabricants et aux vendeurs, ils sont ravis de tourner la page de leurs produits défraichis pour donner leurs chances aux innovations ou nouveautés qui font bien plus de marge (et en plus, y a toujours des pigeons pour les acheter PENDANT les soldes).

Les soldes répondent à une réalité du commerce que l'État ne peut, d'un coup de pouce pointé vers le bas, mettre à mort.

Nous vivons dans une société où le commerce peut s'exercer librement dans un cadre légal afin de ne porter préjudice ni aux vendeurs, ni aux acheteurs, ni aux concurrents, ni aux employés etc.

La réglementation des soldes a justement pour objet d'écarter les abus et s'il y en a, de les sanctionner. Mais la règle reste la liberté des soldes.

Le jour où la France - ou plutôt l'UE puisque la France seule ne le pourrait pas - les "tuera", nous vivrons dans une société de l'interdit où la liberté ne sera plus la règle, mais l'exception.

Et ça, je n'en veux pas. Bah non, j'aime bien faire les soldes, moi, et je ne suis pas le seul, si ?