vendredi 7 septembre 2012

Féminisme républicain

J'imagine que pour beaucoup de monde, le terme "républicain" n'est pas nécessaire pour qualifier le féminisme. Il est même plutôt inattendu de le voir accolé à celui de "féminisme" parce que, s'agissant d'un combat citoyen visant à conférer aux femmes une égalité en droit cohérente avec les textes de loi de notre République, le féminisme est éminement et par nature une lutte républicaine ; de sorte que peu de personnes s'attendent à rencontrer un féminisme non-républicain.

C'était mon cas il y a peu de temps, quand je ne réalisais pas le caractère dévastateur pour la cohésion sociale et le progrès social, du féminisme lorsqu'il sort du cadre républicain.

On n'est jamais trop vigilant, pourtant, quand il s'agit de défendre la République.

En l'occurrence, c'est par la discussion avec certaines féministes radicales - dont je ne dirai pas le nom, ce n'est pas la question - que j'ai pris conscience du danger de leurs positions pour les valeurs de liberté et d'égalité que je défends ici, celles de notre Constitution.

Je vis le féminisme concrètement, dans mon foyer, dans mon travail. À aucun moment de ma vie, je ne me suis posé la question de savoir si j'étais légitime à apporter ma pierre dans ce combat ; cela vient certainement de ma mère, grâce à qui, par son enseignement et son parcours, j'ai toujours considéré la femme dans notre société comme égale à l'homme. Et par là, puisque j'y ai été préparé, il m'a toujours semblé normal et naturel que les tâches ménagères soient partagées, que les femmes travaillent - le travail contribue à l'épanouissement personnel, pourquoi le réserver aux hommes ? -, qu'elles aient la liberté de leur corps - ce qui implique notamment qu'elles aient le choix d'enfanter ou pas, donc de contrôler la grossesse naturellement ou par la contraception ou d'avorter ; et si elles donnent la vie, qu'elles aient le choix d'allaiter ou de donner le biberon - etc.

A propos d'égalité, je parle de l'égalité constitutionnelle des droits et des chances, pas d'une égalité absolue ni impérative qui nierait d'une part l'évidence anthropologique et d'autre part le principe même de liberté individuelle (très républicaine) en vertu duquel chacun a le droit de cultiver et revendiquer des différences avec autrui. Ces différences sont autant de richesses qu'il faut absolument défendre et préserver.

C'est à ce titre que je critique par exemple l'uniformisation sclérosante de l'apparence personnelle, des produits et des services pour qu'ils demeurent unisexes. Cette uniformisation n'est pas la question, puisque l'enjeu du féminisme est bien plus profond. La recherche de l'égalité des droits et des chances dépasse de très loin les simples différences matérielles de coupes de cheveux, de vêtements et d'accessoires adoptés par les uns et par les autres. Par ailleurs, l'uniformisation conduit à un formidable appauvrissement du mode de vie de notre Société.

C'est par cette critique que ma conception et ma pratique du féminisme se sont heurtés récemment à une approche communautariste très virulente.

D'abord, le fait pour moi, homme, de donner mon point de vue à une femme sur le féminisme est, sachez-le, du "mansplaining". Ce terme anglais provient de la contraction entre les mots "man" et "explaining". Première leçon que l'on m'a infligée : il est extrêmement mal perçu pour une femme, qui est dominée par la gent masculine, de se voir expliquer le féminisme par un homme, qui fait partie de la classe dominante.

Je ne partage pas du tout cet angle de vue : l'idée de dominance de l'homme sur la femme procède d'une généralisation collectiviste et outrancière au XXIe siècle. Elle n'est pas conforme à nos lois, ni même à la réalité puisque je ne pense pas être en France le seul homme féministe qui répugne à voir dans la femme un être dominé. J'ai d'ailleurs le sentiment que pour les jeunes générations, c'est encore plus vrai. En outre, ce jugement collectif de l'homme comme dominateur fait fi du principe de responsabilité individuelle par lequel chacun doit répondre de ses actes : le dominateur doit se remettre en question, le féministe doit poursuivre sa lutte. Pas d'amalgame.

Je ne nie pas qu'aujourd'hui encore, dans la ligne d'un système sociétal largement favorable à l'homme depuis des siècles, la position de la femme dans la réalité n'est pas tout à fait en adéquation avec les textes légaux relativement récents, eux. C'est sans doute un euphémisme dans nombre de cas personnels. Il y a beaucoup de chemin à parcourir avant l'égalité des droits et des chances dans les faits. C'est pour cela que le féminisme a son utilité et de beaux jours devant lui.

Quoiqu'il en soit, je ne suis personnellement pas responsable de cette situation. Je ne m'en lave pas les mains pour autant ; je ne commets aucun acte de dominance à l'égard des femmes, au-contraire, là où je peux agir, je respecte l'égalité et la liberté des personnes que je côtoie. Que l'on ne dise donc pas de moi que je suis dominateur et que la femme m'est soumise ; partant, je me sens libre d'exprimer mes opinions à mon égale, respectueusement mais sans aucune pincette. Exit le "mansplaining".

Ensuite, deuxième leçon selon mes interlocutrices, je ne suis pas féministe, mais "pro-féministe". Et bien non, je suis féministe. Point barre. Inutile d'argumenter sur le sujet.

Enfin, troisième leçon, je ne peux parler de féminisme que si j'ai lu tel ou tel auteur, tel ou tel ouvrage. Argument scientifique. Si je suis ignare en la matière, je dois me taire. Là-aussi, je ne peux que m'opposer à ce point de vue. La liberté d'expression en France ne requiert pas de diplôme particulier pour se prononcer sur un sujet aussi sensible que le féminisme qui concerne l'ensemble de nos concitoyens, les femmes comme les hommes, les cancres comme les maîtres.

Le point commun de ces trois leçons est l'extrême communautarisme qui, au lieu de rassembler les bonnes volontés pour construire ensemble, vise à les faire taire et à les écarter alors que, finalement et malgré tout, on perçoit un accord de fond sur le rôle de la femme dans la société. Le danger est une double rupture : rupture du principe d'égalité - tu n'es pas de ma communauté, tu ne peux donc pas m'expliquer ton point de vue sur ce que je vis -, grand paradoxe pour celles qui réclament plus d'égalité, et rupture du principe de liberté des citoyens de s'exprimer, deux principes nécessaires à la cohésion sociale et au progrès de la société.

Ce communautarisme n'est pas républicain. Un citoyen en France, qu'il soit femme, homme, noir, blanc, juif ou chrétien, dispose du droit de s'exprimer librement sur le féminisme, le racisme ou l'antisémitisme, en toute fraternité dans le respect d'autrui et des lois. Toute approche qui prônerait le contraire n'est pas républicaine et devrait être combattue.

Par ce billet, je ne fais pas de "mansplaining", je fais acte de citoyenneté.

2 commentaires:

  1. Je n'ai qu'une chose à ajouter : si on est une femme et qu'on ne partage pas les convictions de ces quelques féministes, on est traitre à la cause.

    Pour des raisons d'histoire familiale du même genre que la tienne (une mère exerçant un métier d'homme) je ne me suis pas vraiment posé la question de la place de femme dans un monde d'hommes.
    Je me suis plus interrogée sur ma place dans le monde. Point. Barre.

    Donc, bien que femme, je ne peux pas parler non plus.

    Ceci dit, je suis d'accord avec toi : l'unisexe uniformise. Et j'aime la diversité. Et en plus, punaise de malheur, pourquoi l'unisexe est-il masculin et pas féminin ?
    Pourquoi l'unisexe amène-t-il les femmes à porter des pantalons et pas les hommes à porter des robes ? Pourquoi retire-t-il le maquillage aux filles et n'ajoute-t-il pas le vernis à ongles aux garçons ?

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  2. @pourquoisecompliquerlavie

    très juste, et cela dit, que chacun mène sa vie comme il l'entend et soit respecté ainsi (tant que ça n'enfreint pas la loi), le monde s'en portera mieux ^^

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