lundi 30 novembre 2009

Le danger de la démocratie directe sans contre pouvoir

En France, de plus en plus de personnes réclament une véritable démocratie directe, ou participative, en tout cas une démocratie sans représentant ou avec moins de représentants et plus de participation directe des citoyens aux affaires du pays.

Mais attention, danger!

La Confédération Hélvétique nous donne un exemple récent du danger de la démocratie directe sans garde fou.

Loin de moi l'intention de donner des leçons à la Suisse, Etat que je trouve admirable et respectable à bien des égards. En revanche, et sans ingérence dans les affaires d'un Etat indépendant, chacun peut aisément tirer pour soi les leçons de la "votation" du peuple et des cantons hélvétiques sur les minarets.

Le texte du vote d'iniative populaire était particulièrement clair et dénué d'ambigüité:

"La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit:
Art. 72, al. 3 (nouveau)
3 La construction de minarets est interdite."

Pas de termes généraux, du style "l'érection de monuments ostentatoires religieux est interdite", qui auraient à la limite pû éviter la discrimination religieuse.

Les minarets, il n'y en pas chez les chrétiens ni chez les juifs. Les musulmans seuls sont donc visés, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le problème, c'est que du coup le texte de cette votation est totalement contraire au droit international, aux droits de l'homme, et notamment aux articles 9 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH).

La Suisse, Etat démocratique par excellence, est signataire de la CEDH et s'est donc engagée sans réserve à la respecter:

Article 9 - Liberté de pensée, de conscience et de religion
1.Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2.La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Article 14 - Interdiction de discrimination
La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

Ces deux articles, intimement liés, font de la votation populaire un acte illégal.

Et pourtant, elle a été votée à 57%! Comment faire ? Au Conseil Fédéral de la Confédération de gérer la situation périlleuse!

Ce que je retiens d'un point de vue général, au-delà de la Suisse, c'est d'une part que le référendum d'initiative populaire peut s'avérer dangereux et rapidement se transformer en acte populiste qui viole les droits de l'Homme, et d'autre part que les partisans de la démocratie directe ou participative, en tout cas non représentative ou moins représentative, devraient y réfléchir à deux fois avant de lancer le mécanisme.

Le pouvoir appelle un contre-pouvoir, comme diraient Montesquieu et Tocqueville, mais quel contre-pouvoir lorsque le pouvoir émane directement du Peuple sans intermédiaire ? car il en faut un quand même, pour éviter les effets d'une dérive populiste.

Je ne veux pas mettre en avant la France en tant que modèle, mais comme je connais sa Constitution qui a été complétée récemment par le dispositif du référendum d'initiative populaire (quoique pas encore applicable faute de loi organique), c'est de la France que je veux parler.

En France donc, les référendums d'initiative populaire forment chacun une proposition de loi qui, avant d'être soumise au vote direct du Peuple, doit l'être au Conseil Constitutionnel qui se prononce sur sa conformité à la Constitution, laquelle inclut bien entendu les Droits de l'Homme et notamment la liberté et le respect des religions et l'interdiction de la discrimination.

Le texte voté en Suisse ne peut pas l'être en France. Le Conseil Constitutionnel le sanctionnerait sans l'ombre d'un doute.

Alors oui pour plus de démocratie directe en France, mais n'allez pas jusqu'à abolir les contre-pouvoirs qui existent déjà et qui ont fait leurs preuves.

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