J'utilise bien entendu le terme libéral dans son sens noble, celui qui inspire et dirige notre République.
Je rappelle brièvement que la Scientologie était jugée via deux entités en France: l'Église elle-même sous la forme d'une association loi 1901, et une librairie.
Si le tribunal ne pouvait plus ordonner la dissolution pénale de ces entités depuis la loi de simplification et de clarification du droit de mai 2009, il pouvait néanmoins leur interdire de poursuivre leur activité, décision qui aurait pu ensuite conduire à leur dissolution civile. Voir mon précédant article au sujet de la Scientologie ("Si, la Scientologie peut encore être dissoute").
Et bien non: le tribunal, délibérément, a fait le choix de ne pas interdire la Scientologie, et donc de ne pas permettre sa dissolution.
Il a préféré concentrer son action d'une part sur la publicité de la condamnation pour escroquerie dans plusieurs journaux, dans le but d'informer et de mettre en garde d'éventuelles victimes, et d'autre part sur de très fortes amendes à l'encontre non seulement de l'association et de la librairie, mais aussi de leurs dirigeants (qui au surplus ont écopé de peines de prison avec sursis).
Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin et ne pas tendre vers la dissolution ?
- concernant l'association, le tribunal a considéré qu'une interdiction d'exercer pouvait engendrer au contraire "la continuation des activités en dehors de toute structure légale", donc sans contrôle possible.
- concernant la librairie, le tribunal relève que sa fermeture aurait été contraire "aux grands principes de liberté de pensée et d'expression qui sont le fondement de toute démocratie".
On comprend directement la nature libérale du motif de ce jugement qui a permis à la librairie d'échapper à l'interdiction d'exercer. La liberté d'expression est l'un des pivôts de notre République.
Mais pour l'association ? Et bien le tribunal n'a pas fondé sa décision sur "la valeur d'une doctrine", "mais sur des méthodes" factuelles et objectives recevant la qualification d'escroquerie, donc illégales.
La doctrine elle-même de la Scientologie, et les valeurs qu'elle véhicule, aussi insupportables soient elles pour beaucoup (dont moi), ne sont pas condamnées et peuvent donc continuer à être évangélisées au nom de la liberté d'expression.
Conclusion immédiate n°1: nous vivons encore dans un Etat de droit libéral qui rend la justice dans les limites d'un ordre légal fondé sur des lois et non d'un ordre moral reposant sur des valeurs.
A bon entendeur et mauvais prophète de l'ordre moral, salut!
Conclusion immédiate n°2: exit la polémique sur la dissolution ratée à cause d'une erreur du législateur. De toute façon, le tribunal ne l'aurait pas prononcée.
Quoiqu'il en soit, le jugement a fait l'objet d'un appel, et qui sait ce qu'il sortira de cette nouvelle instance ?
Posted via email from Aymeric's posterous
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